Lettre ouverte à Mme Pamela White, Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique.
Port-au-Prince, le 6 novembre 2014
Son Excellence Madame l'Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique, Pamela WHITE.
Ambassade Américaine,Boulevard du 15 octobre, Port-au-Prince, Haïti
Madame,
Je vous écris aujourd'hui non pas pour vous inviter implicitement à continuer à vous ingérer dans les affaires internes de mon pays, Haïti; loin de moi une telle tentation, car le mal a été déjà fait. Vous y êtes à fond malheureusement depuis belle lurette, notamment et particulièrement le 25 avril 2013, quand vous aviez« fixé » la date des élections en 2014, prétextant que votre pays « ne disposera pas de ressources financières suffisantes pour deux élections sénatoriales en six (6) mois », lors d'une interview accordée à votre média VOA (Voice of America/Voix de l'Amérique).
Permettez-moi de vous rappeler qu'en décembre 2012, après d’imprudentes concessions du Sénat, le pays s'était finalement doté d’un CTCEP ( Collège Transitoire du Conseil Electoral Permanent ), lequel avait soumis dans un délai raisonnable un projet de Loi Électorale qui a pris près d’un an avant sa publication au journal Le Moniteur No. 229du Mardi 10 décembre 2013 à cause de manœuvres dilatoires de l'Exécutif. Pourquoi le chef de l'Etat Michel Joseph Martelly et la communauté des bailleurs n'avaient rien fait pour que les élections partielles prévues dans ladite loi fussent tenues au cours du premier trimestre de l’année 2014 ?
Déjà, bien avant sa promulgation le 10 décembre 2013, vous et le « Core Group » ( Etats Unis, Canada, France, Espagne, Brésil, Représentants de l’ONU, de l’Union Européenne et l’Organisation des Etats Américains, OEA ), en complicité avec l’Exécutif, complotiez déjà pour dérouter les élections pressenties dans ladite Loi électorale de 2013, approuvée finalement dans les mêmes termes fin novembre 2013 par les deux chambres, après convocation tardive par l’Exécutif en Session Extraordinaire du Corps Législatif pour réconcilier les deux versions.
Les questions fondamentales que je vous pose maintenant sont les suivantes: le coût de deux scrutins en six (6) mois, n’était-il pas mille fois plus raisonnable pour rétablir un climat serein et stable dans le pays pour prévenir l’ouragan anticipé de protestations à partir du cinquième anniversaire du séisme dévastateur du 12 janvier 2010 ?
Le coût de deux (2) élections en moins d’un an, comparé aux milliards de dollars américains déjà dépensés ces dix (10) dernières années pour la Minustah (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti), n’était-il pas plus cohérent, économique et justifiable pour éviter un retour inévitable à la case départ de février 2004 (évacuation précipitée du pays du président Aristide dans un avion militaire de la République étoilée, après des manifestations à travers tout le pays et l’instabilité qui s’en suivit pendant plus de deux ans).
Le président Martelly n'avait-il pas convoqué unilatéralement, vraisemblablement sur votre initiative (référence votre déclaration du 25 avril 2013 sur la Voix de l’Amérique), et, en l’absence d’un Conseil Electoral Provisoire, le peuple en ses comices pour le 26 octobre 2014.
Le résultat de votre indélicate immixtion dans les affaires politiques d’Haïti a mis en péril la cohésion, voire l’existence même de notre jeune police nationale. Comme conséquence, l’opposition démocratique est brimée dans toutes ses tentatives de manifestations pacifiques par des jets d’eaux acidulées et toxiques, et pour utiliser cette expression chère aux adeptes de Tèt Kalé, « flité » par du gaz lacrymogène très nocif suivi d'arrestations illégales de deux militants (Biron Odigé et Rony Timothée) à Port-au-Prince et d'autres en provinces, pour rejoindre les autres prisonniers politiques qui croupissent en prison, dans certains cas, depuis plus d’une année malgré« l’Accord d’El Rancho ».
Seulement voilà nous ne sommes plus en octobre. Nous sommes en novembre. Où sont les élections Madame White? Force est de constater que même dans votre intrusion inélégante, vous n'êtes pas arrivée à tenir parole. Le strict minimum. Merci pour ce moment Madame White.
Alors que le président Martelly, en vacances en Europe avec plus d’une vingtaine de ses proches, visitait vos alliés européens (l'Allemagne et la France), votre gouvernement a choisi, comme par hasard, dans le même temps, de dépêcher des émissaires du Département d'Etat, Thomas Adams et Thomas Shannon, en mode proconsul, comme vous aussi d'ailleurs, pour signifier en quelque sorte à des parlementaires ou à d'autres forces de l'opposition démocratique et républicaine que Washington serait contre le vide institutionnel du deuxième lundi de janvier 2015, alors qu'ils auraient (vos diplomates) avec un minimum de bon sens dû se rendre plutôt au Palais National/Primature. N'êtes-vous pas en train de jouer finalement au pyromane-pompier? Par ailleurs, merci de nous avoir épargné la présence du diplomate Joël Danies qui, lors de son dernier passage en Haïti, avait prévenu les sénateurs lors d’une visite au parlement que faute d’une loi électorale, le président Martelly gouvernera par décrets. Propos, vous conviendrez indécents de la part d’un « diplomate ».
En procédant de la sorte, vous et tous vos alliés/Core Group affirmez clairement, sans équivoque et sans fausse honte, que le président Martelly n'est pas le problème, mais que le problème est plutôtl'opposition démocratique et populaire, le G6 des sénateurs, le G6 des partis politiques de l'opposition.
A présent nous constatons que vous Madame White et certains alliés de la communauté internationale avez découvert soudainement comme le président Martelly l'existence de l'article 136 de la Constitution stipulant:
« Le Président de la République, Chef de l'Etat, veille au respect et à l'exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. »
A Paris, lors d’une entrevue diffusée le 2 novembre dernier par TV5Monde, le président Martelly a donné sa propre interprétation de cet article, lisez :
« l’article 136 de la Constitution prévoit que le président est garant de la bonne marche des institutions. Ce n’est pas un article qu’on utilise quand tout marche. Aujourd’hui, toutes les institutions sont en place…»
Le sénat amputé depuis plus de deux (2) ans et demi (1/2) d’un tiers (1/3) de ses membres, alors que le quorum de seize (16) membres sur vingt (20) est maintenu et exigé, dix-sept (17) sur vingt (20) pour interpeller et renvoyer le premier ministre, est-ce cela« un fonctionnement régulier » de ce Corps ou d’une institution comme l’exige l’article 136 de la Constitution ? Dans quel pays une minorité de six (6) sénateurs peut-elle paralyser un Corps Législatif de trente (30) membres ? Faute d’arguments solides, vous et votre représentation à l’ONU avez tenté maladroitement de faire passer ce Groupe des six (6) comme le « bouc-émissaire » de cette déplorable situation alors que la responsabilité première repose sur vos épaules et celles du « Core Group » pour avoir été si indulgents et tolérants envers l’Exécutif au point d’en devenir son principal complice. Madame l’Ambassadeur, cette situation plus que déplorable n’a eu qu’un bénéficiaire, lePremier Ministre. Depuis plus de deux ans le Gouvernement fonctionne sans contrôle du parlement se sentant à l’abri de tout vote de censure, publiant sans l’aval du Corps Législatif déjà en deux occasions la Loi des Finances (Budget de la République de 2012-2013 et 2014-2015). Vous avez certes noté avec quel dédain le premier ministre Lamothea boudé toutes les invitations de différentes Commissions du Sénat. En deux occasions consécutives, pour deux différentes Lois Budgétaires (2013-2014 et 2014-2015), il a systématiquement refusé de se présenter devant la Commission Finances et Economie du Sénat pour défendre son budget au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe dont il est le titulaire. Qu’en pensez-vous Madame l’Ambassadeur ? Peut-on envisager un scénario pareil dans votre pays ?
De grâce, où donc étiez-vous lorsque l'opposition dénonçait et exigeait le respect de la Constitution? J'ai la question. Vous avez sans doute la réponse. Vous voulez imposer par tous les moyens votre solution au peuple haïtien dans le seul but de satisfaire vos intérêts au détriment d'un peuple martyr depuis plus deux cents (200) ans parce qu'il avait choisi de ne plus être esclave. Enfin votre comportement de colon ne fait que confirmer ce que l'un de vos compatriotes, Benjamin Franklin, dans La Lettre du 26 janvier 1784, à Sarah Bache écrivait: « Je regrette que l'aigle au crâne dénudé ait été choisi pour symbole de notre pays. C'est un oiseau sans moralité et semblable aux hommes qui vivent de filouteries et de vols, il est généralement pauvre et souvent plein de puces. »
Et à quelques mois du centenaire de l'occupation américaine, je vous prie, Madame Pamela White, de croire, à mes sentiments de révolte pacifique. Shalom. Dieudonne Saincy. DS
Dieudonne SAINCY
Email: dieudonneh@yahoo.fr
Tel. : 50937111715
P.S. : Pour votre information et celle d’Amnesty International voici la liste partielle des prisonniers politiques du régime têt kalé :
1-Enold Florestal,
2-Josue Florestal,
3-Louis Louis Leo Louisjuste,
4-Jean Antony Nazaire,
5- Nadal Aristide,
6-Biron Odige
7-Rony Timothee
8-Jean Lamy
Les 18 personnes arrêtées au cours de la manifestation du 17 Octobre dernier.
9 - Vladimy Pierre,
10-Jn Harry Delassin,
11-Herard Seradieu,
12-Moise Roody,
13-Jn Jacques Renaut,
14-Lorvenson Mersier,
15-Paul Joanel,
16-Ralph Desilus,
17-Lormicile Isaac Homme,
18-St-Gourdain Rodelyn,
19-Merisier Jn Louiné,
20-Louiredant Louivens,
21-Clergé Jeff,
22-Chervin Midlin,
23-Sampeur Jonas,
24-Laguerre Angello,
25-Friztner Montinat,
26-Charles Altès
9 - Vladimy Pierre,
10-Jn Harry Delassin,
11-Herard Seradieu,
12-Moise Roody,
13-Jn Jacques Renaut,
14-Lorvenson Mersier,
15-Paul Joanel,
16-Ralph Desilus,
17-Lormicile Isaac Homme,
18-St-Gourdain Rodelyn,
19-Merisier Jn Louiné,
20-Louiredant Louivens,
21-Clergé Jeff,
22-Chervin Midlin,
23-Sampeur Jonas,
24-Laguerre Angello,
25-Friztner Montinat,
26-Charles Altès
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