Friday, October 31, 2014

Démolitions au Centre-ville de Port-au-Prince : les victimes et la Comunauté Juridique haïtienne attendent la lumière juridique de Avocats : Pierre C. Labissière, Jean Vandal, Sibylle Théard Mevs, Jean-Frédéric Salès, Sylvie R. Handal, Thierry Mayard-Paul, Guy Lochard, Daniel Jeudy, Serge Henri Vieux, Ketlie T. Woolley, Sarah Péan Vieux, Jean-Marie Maurice, Chantal Hudicourt Ewald, Jean Patrick Vandal, Aviol Fleurant, Bernard Gousse, Edwin Coq, Grégory Mayard-Paul…

En date du 12 octobre 2010, un groupe d’avocats haïtiens notoires avaient endossé un document intitulé « « Haïti expropriation du centre commercial de Port-au-Prince la boîte de pandore » », paru dans les colonnes du Journal le Nouvelliste le 18 octobre 2010.

Dans ce document, ces brillants avocats ont dénoncé l’arrêté du 2 septembre 2010 du Président René Préval pris en vue d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince et ordonnant l’expropriation pour cause d’utilité publique de tous les propriétaires d’immeubles situés dans un espace compris entre la rue des Césars au Nord, la rue St Honoré au Sud, la rue Capois à l’Est et le rivage de la mer à l’Ouest .

Ces avocats impénitents, évoquant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Constitution Haïtienne et la Loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, ont surtout pointé du doigt la non indication des travaux à exécuter, l’imprécision de la délimitation des propriétés objet de l’expropriation, la nécessité d’une juste indemnité, le sort des propriétés non utilisées aux fins de la reconstruction, les graves atteintes à la sécurité foncière et aux droits des créanciers hypothécaires.
Enfin, ces avocats se sont demandés :Expropriation des nationaux au profit de qui? En faisant allusion bien entendu au mandat de 18 mois octroyé à la Commission Intérimaire Pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) sous la présidence de M. Bill Clinton, conjointement avec le Premier Ministre Haïtien d’alors Jean Max Bellerive. 
Aujourd’hui, face aux cris d’amertume de nombreux citoyens dénonçant la violence avec laquelle ils ont été dépossédés, jetés dans les rues avec leurs enfants, sans aucune indemnité, sans respect pour leur propriété et leur dignité.
Face à la levée de boucliers au niveau de l’opinion publique internationale sur la gestion catastrophique des CLINTON  en Haïti après le 12 janvier 2010.
Face aux informations selon lesquelles les opérations de démolition brutales et illégales orchestrées depuis fin mai 2014 au centre-ville de Port-au-Prince sont réalisées aux ordres des CLINTON dans une perspective de réponse aux accusations de toutes sortes de la presse américaine à quelques mois des élections aux Etats-Unis. 
Face à la confusion entretenue par les déclarations des habitants des Rues du Champs de Mars, de la Réunion, de l’Enterrement et celles du Secrétaire d’Etat à la Planification Michel Présumé, la lumière de ces brillants avocats est plus que jamais nécessaire.
Les cris de désespoir et d’injustice de ces pauvres s’adressent indirectement à ces grands avocats, réunis en 2010 au sein de l’Union des Avocats d’Haïti (UNAH), en grande partie proches voire conseillers spéciaux du Pouvoir Tèt Kale et avocats de la famille présidentielle.
Ces cris s’adressent notamment à Mes. Pierre C. Labissière, Jean Vandal, Sibylle Théard Mevs, Jean-Frédéric Salès, Sylvie R. Handal, Thierry Mayard-Paul, Guy Lochard, Daniel Jeudy, Serge Henri Vieux, Ketlie T. Woolley, Sarah Péan Vieux, Jean-Marie Maurice, Chantal Hudicourt Ewald, Jean Patrick Vandal, Aviol Fleurant, Bernard Gousse, Edwin Coq, Grégory Mayard-Paul…

Voici le document complet : Haïti expropriation du centre commercial de Port-au-Prince la boîte de pandore

October 20, 2010
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National 18 Octobre 2010-Le Nouvelliste:
Le séisme du 12 janvier 2010 a provoqué, dans la ville de Port-au-Prince, l’effondrement ou l’endommagement de nombreux édifices publics et privés et de maisons de résidence dans les quartiers de tous les niveaux. La première stupeur passée, le pays et, particulièrement, les port-au-princiens ont attendu avec impatience la publication par le gouvernement des nouvelles normes de construction ainsi que le plan de reconstruction de la ville, conformément à l’article 67 de la loi du 29 mai 1963 établissant des règles spéciales relatives à l’habitation et à l’aménagement des villes et des campagnes. Cet article dispose: «Lorsqu’une agglomération, quel que soit le chiffre de sa population, aura été détruite en tout ou en partie par suite de tremblement de terre, incendie, inondation ou tout autre cataclysme, l’Administration locale sera tenue de faire établir dans un délai à fixer par le Département de l’Intérieur, le plan général d’alignement et de nivellement des parties à reconstruire». C’est là un préalable indispensable.
Neuf mois plus tard, le temps d’une gestation, aucune norme n’est publiée, aucun plan n’est adopté, mais un arrêté vient décider, en vue d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince, l’expropriation pour cause d’utilité publique de tous les propriétaires d’immeubles situés dans un espace compris entre la rue des Césars au Nord, la rue St Honoré au Sud, la rue Capois à l’Est et le rivage de la mer à l’Ouest .
Le Gouvernement, sans attendre l’aboutissement du processus initié par la publication de l’arrêté, a lancé le processus de destruction systématique des immeubles de la zone indiquée, sous forte protection policière.
I.- Un arrêté présidentiel surprenant.
Au lieu de proposer de nouvelles normes de construction, prenant en compte la carte des failles et les données géologiques de la terre haïtienne, ainsi qu’un plan de reconstruction de la ville de Port-au-Prince affectée par le séisme, comme chacun pouvait raisonnablement s’y attendre, le Chef de l’Etat édicte un arrêté du 2 septembre 2010, à l’effet de déclarer d’utilité publique l’espace compris entre la rue des Césars au Nord, la rue St Honoré au Sud, la rue Capois à l’Est et le rivage de la mer à l’Ouest. Tous les propriétaires des édifices du «bord de mer» se voient, d’un trait de plume, privés de leurs biens pour l’édification desquels ils ont travaillé toute leur vie, au prix des plus grands sacrifices, en dépit de la passivité de l’Etat plutôt porté traditionnellement à tirer ses marrons du feu en percevant des taxes de plus en plus élevées. Des biens, pour bon nombre hypothéqués en faveur des banques commerciales privées de la place. La tragédie se poursuit implacablement.
C’est cet arrêté présidentiel surprenant, adopté hâtivement, qu’il convient d’analyser au regard de la réalité engendrée par le séisme du 12 janvier. Les antécédents immédiats permettront de projeter une vive lumière sur la signification réelle d’un tel arrêté présidentiel. Cela fait, il est bien indiqué de questionner la légalité de l’arrêté au regard de la loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation, enfin, les implications et les dangers de cette première mesure dans le cadre des multiples initiatives liées à la «reconstruction» ou à la «refondation» d’Haïti. Entre autres, seront examinés les effets juridiques de l’arrêté d’expropriation forcée, les formes et l’étendue de l’indemnisation, le sort des propriétés non utilisées aux fins de la «reconstruction»; les graves atteintes à la sécurité foncière et aux droits des créanciers hypothécaires et enfin, l’épineux problème des bénéficiaires de cette expropriation des nationaux.
Mais il faut d’abord se poser la question de ce qu’est l’expropriation pour cause d’utilité publique.
« Il n’y a utilité publique justifiant l’expropriation que si cette dernière est destinée à la constitution du domaine public en vue de l’affectation de certaines dépendances à l’usage de tous, ou à la construction d’ouvrage public ».
« L’expropriation ne peut être prononcée que pour cause de nécessité publique, du moins d’utilité publique ». D’une part, il résulte de l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 que: « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». D’autre part, le Code Civil haïtien prévoit en son article 449, que: « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. » Enfin, « le principe précédemment énoncé a valeur constitutionnelle, qui en impose le respect au législateur lui-même », puisqu’à l’article 36-1 de la Constitution de 1987, il est prescrit : « L’expropriation pour cause d’utilité publique peut avoir lieu, moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par la justice aux ordres de qui de droit d’une juste et préalable indemnité fixée à dire d’expert ».
Tous les textes font d’une condition essentielle à l’exécution d’une expropriation pour cause d’utilité publique, le paiement préalable de la juste indemnité ; c’est-à-dire qu’à défaut de ce paiement préalable, l’expropriation ne peut avoir lieu. Tous ces principes nous permettent d’affirmer que l’arrêté déclarant d’utilité publique le centre ville de Port-au-Prince, est illégal et surprenant.
II.- Les antécédents immédiats
Au moment même où la grande tragédie du 12 janvier 2010 s’abattait sur les villes de Port-au-Prince, de Léogane, de Grand-Goâve, de Petit-Goâve et de Jacmel, la presse internationale donnait à la catastrophe des proportions planétaires. C’était, en effet, une grande première. Toutes les structures de l’Etat ont été détruites: le Palais National, le Palais Législatif, le Palais de Justice. 35% des cadres de l’Administration publique ont disparu. Nous avons donc connu non seulement l’effondrement de l’Etat, mais encore la perturbation de tous les mécanismes de l’administration publique qui auraient pu réagir. Parallèlement, dès le 13 janvier 2010, on relevait la présence à Port-au-Prince du Président dominicain Leonel Fernandez en visite de sympathie aux fins d’assistance immédiate à une Nation désemparée et exsangue. Immédiatement après, l’Armée américaine s’installait dans l’enceinte de l’aéroport national fortement endommagé et des installations portuaires profondément touchées, en vertu d’un accord signé par les autorités haïtiennes et américaines.
Dans un remarquable élan de générosité, la Communauté internationale, face au déficit d’informations des autorités haïtiennes dans ce contexte de désastre et à leur incapacité de fournir des répliques appropriées à la hauteur des attentes de la population, s’empare de la question haïtienne, organise forums et réunions en terre étrangère avec les dirigeants haïtiens pour trouver les décisions appropriées à l’ampleur de la tâche à accomplir en Haïti. La Conférence de New-York arrive à des engagements de la part des Etats de l’Europe et de l’Amérique jusqu’à concurrence de plus de 11 milliards de dollars américains pour la « reconstruction ». De son côté, la Diaspora se mobilise et fait preuve à la fois de vision et d’une remarquable capacité de réflexion. Le marché est immense et suscite un intérêt proportionnel. Le défi de la « reconstruction » est lancé!
Nos responsables politiques s’emparent de cette aubaine inespérée. Ils soutiennent, qu’Haïti est un pays à «reconstruire», sinon à «refonder». La loi d’urgence de 2008 est modifiée pour des raisons obscures sous prétexte d’autoriser des mesures spéciales en réponse aux contraintes suscitées par le séisme du 12 janvier dans les zones sinistrées. Mais au lieu d’envisager des mesures appropriées au bénéfice de ces zones, il est désormais question de «reconstruire» ou «refonder» Haïti. Ecartant le secteur privé qui veut participer, l’idée directrice avancée est d’ouvrir le pays aux capitaux étrangers, sans égard à l’intérêt national.
Pour combler le vide béant créé par l’absence d’un plan d’intervention et même d’un plan de la ville d’avant le 12 janvier, nos dirigeants se rabattent sur la bouée de sauvetage que représente le plan que la Banque de la République d’Haïti (BRH) avait fait préparer bien avant le séisme. Ce plan, présenté au public, comprend notamment un centre de conférences, dont la maquette était exposée dans l’enceinte même de la banque. Dans ce but, la BRH avait entrepris de racheter tous les immeubles se trouvant dans sa proximité immédiate. Brusquement, elle a coupé court à ses démarches, dans l’attente, elle aussi, de bénéficier des privilèges de l’arrêté d’expropriation. Son projet est récupéré comme devant faire partie de vaste «plan de reconstruction» d’abord de Port-au-Prince et ensuite d’Haïti.
C’est dans ce contexte qu’est sorti l’arrêté du 2 septembre 2010 déclarant d’utilité publique un ensemble de propriétés privées formant le centre-ville de Port-au-Prince, sans l’établissement préalable d’un plan directeur approuvé et d’un ensemble de projets à implanter dans cet espace.
Notre examen portera d’abord sur la légalité de cet arrêté d’expropriation.
III.- Légalité de l’arrêté d’expropriation
Il est de règle absolue qu’un arrêté, qu’il soit présidentiel, ministériel, préfectoral ou municipal, ne peut être pris qu’en vertu d’une loi. L’arrêté présidentiel du 2 septembre 2010 puise sa source dans les dispositions de la loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. L’examen de la légalité de cet arrêté doit se faire sous l’éclairage de cette loi pour établir la conformité, des motifs de l’arrêté aux exigences légales, d’une part, et, d’autre part, la régularité des formes et des modalités du transfert des droits des propriétaires au profit de l’Etat. Il sera intéressant d’examiner les implications de cette procédure exceptionnelle quant à la vie des différents concernés, et les signaux émis, dans le domaine de la garantie foncière et des futurs investissements.
III.1.- Inadéquation des motifs de l’arrêté d’expropriation
Le principe de base de notre système est la garantie de la propriété privée, confirmée par l’article 36 de la Constitution. L’expropriation est avant tout un acte de Puissance publique, elle ne peut donc être qu’une mesure exceptionnelle, à laquelle il n’est permis de recourir que si elle s’avère d’une utilité incontestable et dans les seules conditions prévues par la loi. L’article 1er de la loi du 5 septembre 1979 est on ne peut plus clair au sujet des motifs qui peuvent autoriser une expropriation.
«Art 1er.- L’expropriation pour cause d’utilité publique n’est autorisée qu’à des fins d’exécution des travaux d’intérêt général.
Constitue une cause essentielle, nécessaire et suffisante en matière d’expropriation forcée, la mission de service public affectant l’immeuble déclaré d’utilité publique pour l’exécution desdits travaux».
La mesure exceptionnelle de l’expropriation forcée n’est donc permise que lorsqu’il s’agit d’exécuter des travaux d’intérêt général. La détermination de ces travaux et leur qualification au regard de l’intérêt général ne sauraient être une démarche a posteriori.
C’est là qu’il faut trouver les motifs à l’appui de l’arrêté du 2 septembre sur l’expropriation forcée d’une grande partie du centre-ville. Le premier considérant de l’arrêté prend en considération «la nécessité d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince suite au séisme du 12 janvier2010». Pour étendre l’objectif du nouvel aménagement, l’arrêté invoque, en second lieu, «la nécessité de réorganiser spatialement la région métropolitaine de Port-au-Prince» et de «relocaliser les institutions publiques». La nécessité non établie d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince faute de plan ou de la réorganisation spatiale de la région métropolitaine ou de la relocalisation des institutions publiques rentre-t-elle dans les prévisions de l’article 1er de la loi sur l’expropriation forcée?
Les motifs invoqués présentent un caractère de généralité. Ils expriment une vue abstraite et les choix délibérés de la Puissance publique. Ils ne s’appuient sur aucun fait établi de manière rationnelle. La référence au séisme du 12 janvier ne démontre pas l’étendue des dégâts justifiant la nécessité invoquée d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince ou de la réorganisation spatiale de la région métropolitaine de Port-au-Prince ou de la relocalisation des institutions publiques. De tels motifs de l’arrêté d’expropriation forcée du 2 septembre 2010 ne répondent pas aux vœux de l’article 1er de la loi du 5 septembre 1979. Ils ne suffisent pas à justifier par eux-mêmes la nécessité des travaux d’utilité générale, seul motif admis pour l’expropriation forcée.
III.2.- Non indication des travaux à exécuter
L’arrêté d’expropriation forcée du 2 septembre 2010 est muet, dans ses motifs, sur la nature des travaux à exécuter. Si l’Etat a l’obligation constitutionnelle de protéger et garantir la propriété privée, le droit d’exproprier demeure un droit exceptionnel, à contenu strict. L’Etat, en tant que Puissance publique, ne peut exercer ce droit sans des motifs sérieux et bien établis. Et ce n’est nullement garantir la propriété privée que de décider in abstracto qu’il y a nécessité d’un nouvel aménagement du centre-ville de Port-au-Prince, d’effectuer la réorganisation spatiale de la région métropolitaine et de relocaliser les institutions publiques. Encore faut-il préciser les travaux à exécuter, les plans et les projets desdits travaux. «Les schémas, maquettes et autres travaux à entreprendre seront, ainsi qu’il est prévu à l’article 11 de la loi du 5 septembre 1979, exposés à l’attention des propriétaires intéressés, à la salle affectée aux audiences du Service Permanent d’Acquisition amiable des immeubles au département des Travaux Publics, Transports et Communications, seul compétent en cette matière.» De telles publications sont pareillement exigées à la salle d’audience mise à la disposition du Jury Spécial d’Evaluation, au Palais de Justice. Ainsi, à défaut d’un plan directeur et de projets bien établis, il ne peut être question d’exproprier.
S’agissant, en l’espèce, comme l’Etat le soutient, de la «reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince et du réaménagement spatial de la région métropolitaine de cette ville», on peut supposer, avec juste raison, que les travaux à exécuter intéressent le Ministère de l’Environnement. A cet égard, l’Etat n’échappe pas à l’obligation de soumettre à ce Ministère les projets desdits travaux, comme le veut l’article 2 de la loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation forcée.
«Art 2.- Les projets desdits travaux, pour la protection de l’environnement, seront communiqués préalablement au Conseil National de l’Environnement et de Lutte contre l’Erosion et au Service d’Aménagement du Territoire National aux fins utiles».
La loi du 5 septembre 1979 précise, par ailleurs, en son article 10, sous le titre «Des causes de déclaration d’utilité publique», les cas dans lesquels l’Etat est autorisé à exproprier pour causes d’utilité publique.
«Art 10.- L’expropriation forcée et, au cas échéant, l’établissement de servitudes d’utilité publique, tels que prévus dans la présente loi et autres régissant la matière, sont obligatoires toutes les fois qu’il s’agira d’exécution de travaux d’aménagement du territoire national et des cas d’extrême urgence:
a) D’établissement d’habitat, de construction de logements sociaux ou populaires pour familles nécessiteuses ou d’ensembles immobiliers à usage d’habitation avec leurs installations annexes;
b) D’installation de centre d’éducation générale ou sportive;
c) De redistribution de population à des fins économiques et éducatives;
d) D’exécution de travaux d’extension de cités dans le cadre du plan d’urbanisme ou de ceux à entreprendre pour la disparition des bidonvilles;
e) D’établissement de parc national, de travaux d’établissement de centres touristiques;
f) De travaux de protection des monuments historiques des sites naturels;
g) De monuments publics;
h) De travaux d’alignement ou de rectification d’alignement;
i) De création de voies publiques;
j) De création de centres hospitaliers ou de travaux sanitaires;
k) D’exécution de travaux d’établissements de chemins de fer;
l) D’aménagement de centres hydro-électriques, de travaux d’entretien ou d’aménagement de centres pilotes d’exploitation agricole;
m) D’installation de places fortes ou de travaux de défense nationale;
n) De construction de réseaux de communication et de télécommunication;
o) De travaux nécessaires reconnus par les services du Ministère du Plan et du Conseil National de l’Environnement et de Lutte Contre l’Érosion;
p) D’exécution de travaux pour l’exploitation de mines et carrières concédées par l’état à des tiers ou à des entreprises mixtes, le dessous du territoire national constituant le domaine public de l’état conformément à la constitution;
q) D’exécution de travaux d’établissement de centres d’industries métallurgiques ou chimiques;
r) Pour l’exploitation des sources hydro-minérales;
s) D’établissements d’aérodromes;
t) De travaux entrepris ou à entreprendre pour l’exploitation naturelle des mines et gisements d’hydrocarbures;
u) D’exécution des travaux pour le boisement et le reboisement des forêts nécessaires au maintien des terrains en montagnes;
v) D’exécution des travaux de remembrement de la propriété foncière.
Ces énonciations ne sont pas limitatives».
Que les causes ci-dessus énumérées soient limitatives ou simplement énonciatives, il faut reconnaître que le législateur haïtien n’a jamais autorisé les expropriations de l’envergure de celles décidées par l’arrêté du 2 septembre 2010.
Ainsi, lorsque l’Etat, défenseur de l’intérêt collectif, ne se donne pas la peine d’établir, préalablement à l’expropriation, un plan directeur, ainsi que l’étendue et la nature des ouvrages à exécuter, les coûts financiers nécessaires, l’expropriation n’est guère possible. Dans l’état actuel des choses, il n’existe pas encore un projet défini de reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince. Ce n’est que le 21 septembre qu’a été signé avec la Fondation Prince Charles un accord jamais rendu public, pour l’étude du plan de reconstruction du centre-ville, alors que l’on répète à l’envi que l’œuvre de reconstruction doit être une œuvre haïtienne. Par ailleurs, il est hors de tout bon sens de croire que la superficie dégagée par l’arrêté d’expropriation ne peut comprendre que des bâtiments à vocation publique (Palais des Ministères, Palais législatif, Palais de Justice, organismes publics, jardin public, musée, etc..). L’intérêt général n’est guère démontré. Ainsi, l’arrêté d’expropriation est hors du cadre de la loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation forcée.
III.3.- Imprécision de la délimitation des propriétés objet de l’expropriation
Au défaut d’indication des travaux d’utilité générale à exécuter s’ajoute, pour établir l’illégalité de l’arrêté d’expropriation du 2 septembre 2010, l’imprécision de la délimitation des propriétés privées faisant l’objet de cette mesure exorbitante. La loi haïtienne prévoit un seul mode de délimitation des propriétés. Ce n’est autre que l’arpentage. Dès lors, l’arrêté d’expropriation devait, dans ses visas, faire référence à cette opération technique de délimitation de l’aire soumise à cette mesure exceptionnelle. Il est pourtant muet sur ce point. C’est dire que cette opération préliminaire qui, seule, pourrait justifier l’énoncé du 1er alinéa de l’article 1er de l’arrêté, n’a jamais eu lieu. Est donc parfaitement fantaisiste cet article 1er qui se lit comme suit:
«Article 1er.- Est déclarée d’utilité, à Port-au-Prince, la surface délimitée au Nord par la rue des Césars, au Sud par la Rue St-Honoré, à l’Est par la Rue Capois et à l’Ouest par le rivage de la mer».
A la première lecture de cet article, il devient évident que la zone expropriée n’est pas définie. La délimitation ainsi proposée est purement fantaisiste. Le polygone n’est pas fermé. La Rue Capois finit à son intersection avec l’Avenue John Brown ou Lalue. Elle n’atteint pas la Rue des Césars. L’arrêté méconnaît encore le fait que les rues ont deux versants. Les deux versants de la Rue St-Honoré sont-ils compris dans les limites de l’aire définie à l’article 1er? Quel est alors le sort des immeubles en bordure de l’autre versant sur lequel donnent la Faculté de Droit et des Sciences Economiques et l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti, deux édifices qui sont déjà la propriété de l’Etat? La même observation s’applique également à la Rue des Césars.
Cette imprécision de la délimitation de l’aire expropriée constitue une nouvelle atteinte à la propriété privée, une menace pour les propriétaires dont les biens ne sont pas compris à l’intérieur de cette aire. Elle signifie aussi, par contre, que l’Etat expropriant n’a nul souci de protéger et garantir la propriété et que, sous prétexte de corriger les imperfections qui affectent l’arrêté, il se réserve de prendre de nouveaux arrêtés soit pour en rectifier la délimitation, soit pour l’étendre en vue d’accorder les quartiers environnants avec la modernité de ce qu’il appelle prématurément «l’aménagement du nouveau centre-ville de Port-au-Prince». D’ailleurs, si l’on se donne la peine de lire attentivement, il sera établi que l’arrêté mentionne d’un côté le centre ville et de l’autre la zone métropolitaine. Ce sont là deux notions tout à fait distinctes. La zone métropolitaine inclut le centre-ville, les villes de Port-au-Prince, de Léogane, les communes de Carrefour, de la Croix-des-Bouquets, de Delmas et de Pétion-Ville. Pourquoi l’Etat devrait-il s’arrêter? Et quand le devrait-il?
Que les propriétaires veillent, s’ils le peuvent! Qu’ils veillent, sous peine de tout perdre! L’article 30 de la loi du 5 septembre 1979 leur assure, en théorie, tout au moins, toute la protection nécessaire.
«En matière d’expropriation pour cause d’utilité publique», dispose cet article, «l’immeuble auquel la loi, l’arrêté ou le décret confère le caractère d’objet d’une mission de service public, n’est et ne peut, par suite de cette décision administrative, être dépouillé d’aucune des garanties de jouissance qui s’y attachent». Qu’ils jouissent donc paisiblement de leurs biens, sous les garanties qui leur sont dues par l’Etat! L’arrêté, d’ailleurs, est entaché d’illégalité.
IV.- Des effets juridiques de l’arrêté d’expropriation forcée
L’expropriation n’a pas, par elle-même, pour effet de dessaisir les propriétaires expropriés dès son adoption et sa publication au journal officiel. Les propriétaires expropriés conservent leur plein droit de jouissance à titre de maître. Juridiquement, les biens fonciers faisant l’objet de la mesure d’expropriation conservent leur statut de propriétés privées et n’entrent pas ipso facto dans le domaine privé de l’Etat.
Les dispositions de l’article 36-1 de la Constitution en vigueur sont formelles à cet égard.
«Article 36-1.- L’expropriation pour cause d’utilité publique peut avoir lieu, moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par la justice aux ordres de qui de droit d’une juste et préalable indemnité fixée à dire d’expert.
Si le projet initial est abandonné, l’expropriation est annulée, et l’immeuble ne pouvant être l’objet d’aucune spéculation, doit être restitué à son propriétaire originaire, sans aucun remboursement pour le petit propriétaire. La mesure d’expropriation est effective à partir de la mise en œuvre du projet».
Aucune translation de droit ne s’opère d’un patrimoine privé au domaine privé de l’Etat, dans les cas d’expropriation. Il s’ensuit que l’Etat ne peut s’arroger le droit de prendre possession, de manière prématurée, des biens privés sous couvert d’un simple arrêté d’expropriation, avant le règlement de l’indemnité fixée à l’amiable par le Comité Permanent d’Acquisition ou le Jury d’Expropriation institués par la loi du 5 septembre 1979. L’article 2 de l’arrêté d’expropriation forcée du 2 septembre 2010 portant interdiction de tous travaux de construction, de percement de route, de lotissement ou autres exploitation du sol, ainsi que de toute transaction ou aliénation immobilière, n’est qu’une mesure de précaution qui laisse intacts les droits des propriétaires.
Deux faits importants retiennent l’attention des observateurs. Tout d’abord, c’est que l’Etat, peu après le séisme du 12 janvier, en pleine déliquescence, a renoncé à son obligation constitutionnelle et légale d’assurer la sécurité des biens. Le «pouvwa popilè» s’est manifesté dans toute sa splendeur. L’Etat a livré tout le centre-ville aux pillards. Ces individus sans foi ni loi, profitant de la catastrophe naturelle du 12 janvier, aux dépens des propriétaires, dormant comme tout le monde, à la belle étoile, ont mis à sac les maisons tenant encore debout, les maisons de commerce qui subsistaient encore et, à l’aide de leurs outils, ont démoli les murs pour en extraire les barres de fer qu’ils vendent au poids. La Police Nationale d’Haïti, essentiellement chargée de protéger et de servir, s’est contentée de la politique de l’autruche, encourageant, de cette manière, les atteintes aux biens d’autrui.
L’autre fait significatif, c’est que l’Etat expropriant, sans attendre l’aboutissement du processus initié par la publication de l’arrêté et la translation des propriétés du centre-ville dans son domaine, a lancé le processus de destruction systématique, sous forte protection policière, des immeubles de la zone indiquée. Dès la fin du mois d’août, le Gouvernement faisait procéder à la démolition de quelques constructions commerciales laissées intactes par le séisme, à la Rue des Fronts Forts. Les marchandises qui s’y trouvaient ont été livrées aux appétits de la population. La démarche a été concluante. Ainsi, au début du mois de septembre, à la sortie de l’arrêté d’expropriation forcée, l’Etat autorisait des compagnies privées à procéder à la démolition de différents secteurs du centre-ville à partir de la Rue des Casernes, à la Rue Pavée, à la Rue des Miracles et ailleurs. C’est l’autorité aveugle, sourde d’un Etat insensible aux efforts immenses consentis par ceux qui ont eu la malheureuse initiative de construire au centre-ville.
Sans se soucier de procéder à l’identification préalable des propriétés formant le centre-ville, et sans une évaluation des différents immeubles, l’Etat procède à leur démolition systématique, sans en notifier les propriétaires. Il entre ainsi triomphalement dans une logique contentieuse et abusive. Qu’importe ! L’Etat se livre inconsidérément à des abus d’autorité au détriment des propriétaires et s’expose aujourd’hui ou demain aux sanctions civiles et pénales à prononcer par les tribunaux haïtiens ou, en cas de refus, par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, ce, conformément aux articles 31 et 32 de la loi du 5 septembre 1979 reproduits ci-après intégralement pour la bonne compréhension de la matière.
«Article 31.- Toute privation ou atteinte réalisée à l’encontre d’un droit de propriété légitimement acquis est illégale et constitue un abus réparable au profit du propriétaire, à moins que l’Etat n’établisse n’avoir payé la contrepartie ou avoir fait l’acquisition de l’immeuble ou des lieux en payant une juste et préalable indemnité aux termes des dispositions de la présente loi.

Il en est autrement dans les cas d’extrême urgence d’occupation de fait pour exécution de travaux militaires, de défense nationale ou d’assainissement de zones polluées».
«Article 32.- Toute occupation abusive ou arbitraire d’une propriété bâtie ou non sans contrat exprès et valable ou un jugement, tous travaux entrepris dans ces mêmes lieux sans l’autorité de la loi ou d’un contrat constituent une expropriation arbitraire justiciable du tribunal de police correctionnelle, punissables d’un emprisonnement de trois (3) mois à un an».
Les dés sont pipés. C’est la volonté de l’Etat qu’il en soit ainsi. Malheureusement, la reconstruction est mal partie. Elle soulève trois questions préjudicielles: Comment calculer l’indemnité lorsque les bâtisses sont préalablement démolies? Quel sort sera réservé aux propriétés non utilisées aux fins de la « reconstruction »? Au profit de qui est exécutée l’expropriation?
IV.1.- Comment calculer l’indemnité ? Indemniser quoi?
L’Etat s’imagine, en toute naïveté, que la démolition préalable des constructions du centre-ville peut entraîner la réduction du montant total des indemnités. La thèse des responsables, est que, si les immeubles sont démolis, les expropriés ne pourront plus établir l’importance des constructions, soit à la phase de la procédure amiable de la procédure d’indemnisation, devant le Comité Permanent d’Acquisition, soit à la phase contentieuse devant le Jury Spécial d’Evaluation.
La chose serait trop facile. L’Etat démolisseur ne peut profiter de ses fautes et de son incurie, des violations de la Constitution et de la loi auxquelles il se livre sans considération des droits des personnes privées, bénéficiant, en outre, de la protection internationale aux termes des Conventions signées et ratifiées par la République d’Haïti. Que nul ne se fasse d’illusion! Les responsables de ces démolitions hâtives et inconsidérées devront, au même titre que l’Etat dont ils ne sont que des préposés, répondre, à un moment ou à un autre, de leurs actes et méfaits devant les tribunaux haïtiens et, en cas de blocage, devant un tribunal international.
Après le séisme destructeur du 12 janvier, l’Etat expropriant exige des propriétaires une identification documentée de leurs immeubles, par le dépôt de titres, de procès-verbaux et plans d’arpentage souvent disparus au cours du désastre. Un autre procédé pour éviter le dédommagement. Comme l’Etat le sait trop bien, le séisme et l’action tolérée des malfaiteurs n’ont pas été sans conséquences sur le sort des titres de propriété. Nombre d’entre eux se trouvent sous les décombres. Des offices de notaires ont été vandalisés, pillés et, dans certains cas bien connus, toutes les archives ont été emportées. Les institutions compétentes se sont abstenues de prendre de tels cas en considération et aucune enquête n’a été effectuée pour dépister les auteurs de ces infractions et retrouver la cachette où ces documents ont été entreposés. La remise des expéditions de titres, de procès-verbaux et plans d’arpentage peut s’avérer très difficile. Cette situation est aggravée par l’interdiction des enquêtes supplétives en matière de titres de propriété. Ainsi, la charge de la preuve incombe totalement aux propriétaires. C’est là une situation inéquitable. L’Etat s’exonère de toute responsabilité au regard de la question des preuves. Pas de preuve, pas d’éligibilité éventuelle au droit à l’indemnité.
Toutefois, qu’il soit dit, une fois pour toutes, qu’en aucun cas, l’indemnisation ne pourra porter sur le seul fonds de terre, à un prix fixé unilatéralement et d’autorité pour le mètre carré. Les choses ne pourront pas se passer de cette manière. Les bailleurs de fonds n’oseront jamais passer outre à ces incorrections, ces illégalités, à ces actes de brigandage et à ces cas flagrants de dépossession. Ils se verront dans l’obligation de contraindre l’Etat d’Haïti au respect de ses propres lois, au nom de la morale publique.
IV.2.- Sort des propriétés non utilisées aux fins de la reconstruction
Il peut arriver que la totalité des terres faisant partie du centre-ville ne soit pas absorbée par le réaménagement du centre-ville. Toute cette procédure est d’une telle opacité que les propriétaires, premiers concernés, ne parviennent à débrouiller l’écheveau.
L’Etat ne doit pas compter sur l’absence de cadastre pour faire valoir l’impossibilité d’identifier les parcelles qui, par sa faute, n’ont jamais été immatriculées. Etant très conscient de ce problème dû à sa seule négligence, il ne pourra jamais s’en prévaloir et ne devait, sous aucun prétexte, procéder à la démolition de constructions qui ne sont pas dans son patrimoine. Lorsqu’il s’agit de propriétés non utilisées aux fins du réaménagement du centre-ville, la solution est clairement indiquée à l’article 36-1 de la Constitution, 2ème alinéa.
«Article 36-1, 2ème alinéa.- Si le projet initial est abandonné, l’expropriation est annulée, et l’immeuble ne pouvant être l’objet d’aucune spéculation, doit être restitué à son propriétaire originaire, sans aucun remboursement pour le petit propriétaire».
Au cas même où l’indemnité aurait été versée au propriétaire exproprié, l’immeuble est restitué à son propriétaire originaire, toutes les fois que le projet initial est abandonné. Le sort des propriétés non utilisées ne semble pas poser problème, si l’on ne fait entrer en compte les ressources de la mauvaise foi, les attributions souterraines et le fait que la Constitution n’indique pas le délai passé lequel le projet initial peut être tenu pour abandonné. L’application des dispositions constitutionnelles ci-dessus ne peut être qu’hypothétique, lorsqu’on considère la méthodologie et la témérité de l’Etat expropriant. Cet arrêté d’expropriation d’une aire importante du centre-ville de Port-au-Prince consacre d’ailleurs des atteintes sérieuses à la sécurité foncière.
IV.3.- Graves atteintes à la sécurité foncière et aux droits des créanciers hypothécaires
Le choix de l’Etat Haïtien de supprimer, de manière arbitraire, toutes les bornes et lignes divisoires des propriétés constitue, en l’absence d’un cadastre, un message on ne peut plus clair aux titulaires de droits fonciers, aux institutions financières et aux banques en faveur desquelles ont été consenties des hypothèques.
La destruction ou la détérioration des immeubles n’a pas pour effet d’éteindre les obligations hypothécaires. Ces créanciers privilégiés peuvent-ils, à la suite des initiatives arbitraires de l’Etat, produire leurs réclamations contre leurs débiteurs hypothécaires? L’Etat entend-il rembourser les banques et libérer les débiteurs?
Quelle est, en outre, la situation d’un immeuble démoli par l’Etat expropriant et couvert par une compagnie d’assurance contre les tremblements de terre, lorsqu’une transaction est en cours entre l’assureur et le propriétaire, dans l’attente d’une contre-expertise, pour la réparation du dommage partiel subi?
Et que dire des propriétaires qui, en vue de la reconstruction, avaient consenti de lourds investissements, avant la publication de l’arrêté d’expropriation forcée ? Aujourd’hui, ils ne peuvent pas entreprendre de travaux, même s’il faut retenir qu’ils conservent la propriété de leurs biens fonciers jusqu’au versement de la juste indemnité à laquelle l’expropriation leur donne droit. Et quid des coûts d’opportunité?
On nage dans un gâchis total. Une interrogation demeure sans réponse. Faut-il, l’insécurité foncière s’érigeant en règle, investir en Haïti? Que reste-t-il au citoyen qui voudrait investir dans son pays? Comment éviter que les biens privés ne fassent l’objet d’appropriation abusive? Mais pourquoi tout ce gâchis? Autrement dit, au profit de qui l’Etat exproprie les nationaux qui ont créé le centre-ville?
IV.4.- Expropriation des nationaux au profit de qui?
En vue de réaménager le centre-ville, dans le cadre de la réorganisation spatiale de la région métropolitaine de Port-au-Prince (Port-au-Prince, Delmas, Tabarre, Croix-des-Missions, Pétionville, Kenscoff, Carrefour et Gressier), il a été institué, pour une période de 18 mois, la Commission Intérimaire Pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) sous la présidence de M. Bill Clinton, conjointement avec le Premier Ministre Haïtien. La Conférence de New-York du 31 mars 2010 avait autorisé des espoirs immenses quant à la participation des donateurs internationaux pouvant totaliser plus d’une dizaine de milliards de dollars. Auront accès à cette Commission les donateurs qui apportent une contribution d’au moins CENT MILLIONS de dollars américains et à hauteur de DEUX CENT MILLIONS au moins, ceux qui auront annulé les dettes d’Haïti.
C’est cela le financement de la « reconstruction » d’Haïti ou de sa « refondation » ; les responsables politiques haïtiens en ont parlé sans en calculer le coût financier. L’effort national n’est pas retenu ni accompagné. Sont en outre exclus tous les nationaux qui ne sont pas en mesure de miser de telles sommes. La « reconstruction » d’Haïti sera caritative. Le pays s’ouvre aux capitaux étrangers, sans aucune règle particulière, sans garde-fou, sans aucun mécanisme d’orientation. Les banques et les institutions financières de la place se montrent extrêmement prudentes dans les opérations de crédit. Elles ne semblent pas prêtes à financer les opérations d’envergure comme celles qu’implique la « reconstruction » d’Haïti ou sa « refondation », alors que la BRH est prête, en dehors de toute loi, à entrer dans les activités commerciales.
Ainsi, sous prétexte d’exécuter des travaux d’intérêt général, l’Etat expropriant, dépourvu de capitaux, va se livrer à des transactions, au prix fort, avec d’autres intervenants privés pour concéder la jouissance des propriétés du centre-ville à des compagnies étrangères ou à des personnes physiques étrangères, soit sous forme de contrat, soit sous forme de concession, soit encore sous forme de bail emphytéotique, soit, qui sait?, sous forme de vente. Aucune publicité ne sera organisée autour des contrats passés dans ce cadre. C’est encore et toujours la politique du fait accompli. Mais, comment inviter des investisseurs étrangers à construire sur des terres dont la mise à disposition s’apparente à une dépossession?
Cet imbroglio interpelle la conscience haïtienne ou ce qui en reste de sain. Les fonds votés et ceux accordés généreusement par les pays amis de la communauté internationale devraient être mis à la disposition d’Haïti, au profit des nationaux et des propriétaires soucieux d’investir et de participer à la reconstruction de leur pays. Les Haïtiens, même s’ils se retrouvent dans un partenariat déséquilibré avec des étrangers de haute volée, sont réduits à n’être que les spectateurs de la «reconstruction» ou de la «refondation» d’un pays qui n’est plus le leur.
Conclusion
A ce tournant crucial de notre vie de peuple, la priorité sera d’établir un Etat de droit sans lequel la «reconstruction» ou la «refondation » d’Haïti restera problématique. Sans vouloir entrer dans une polémique stérile, ce que réclament les citoyens, les défenseurs regroupés dans l’Union Nationale des Avocats d’Haïti, c’est le droit pour tous ceux qui ont fait le choix de rester en Haïti, de participer à la reconstruction de la capitale et du pays, dans le respect des normes de construction que l’Etat a le devoir de codifier suivant les procédures constitutionnelles, pour éviter que la «reconstruction» ou la «refondation » d’Haïti ne soit qu’une œuvre caritative.
C’est cet acte de foi qui rendra possible le relèvement de la Nation.
Port-au-Prince, le douze (12) octobre 2010.
Union des Avocats d’Haïti (UNAH) sp.
Syndicat professionnel
Me. Pierre C. Labissière
Président
Me. Jean Vandal
Vice-Président
Me. Sibylle Théard Mevs
Secrétaire
Me. Jean-Frédéric Salès
Trésorier
Me. Margarette Antoine Sanon
Membre
Me. Camille Jr. Edouard
Membre
Me. Sylvie R. Handal
Membre
Autres avocats signataires, membres du Syndicat :
Me. Champagne Cadichon
Me. Thierry Mayard-Paul
Me. Carol Chalmers
Me. Guy Lochard
Me. Daniel Jeudy
Me. Jean-Joseph Exumé
Me. Wilmine Raymond St Pierre
Me. JN Larrio Pierre
Me. Marie Douchka Porcena
Me. Serge Henri Vieux
Me. Ketlie T. Woolley
Me. Sarah Péan Vieux
Me. Nadège Constant
Me. Jean-Marie Maurice
Me. Chantal Hudicourt Ewald
Me. Jean Patrick Vandal
Me. Aviol Fleurant
Me. Bernard Gousse
Me. Wilson Estimé
Me. Edwin Coq
Me. Louis Riccardo Chachoute
Me. Jean Gérard Eveillard
Me. Ededland Jabouin
Me. Grégory Mayard-Paul
 
 
 
 

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